Sonia Elvireanu – Il poema narrativo polifonico: Giuliano Ladolfi, Au milieu du gué. Attestato, Edizioni Laborintus, 2021.

Le poème narratif polyphonique:  Giuliano Ladolfi, Au milieu du gué. Attestato, Éditions Laborintus, 2021.

 

Giuliano Ladolfi est poète italien contemporain, critique, essayiste, traducteur et éditeur, le fondateur de la revue Atelier (1996), journaliste culturel aux publications italiennes et étrangères. Auteur de plusieurs recueils de poésie, il fait paraître encore deux livres en 2021, La notte oscura di Maria et Au milieu du gué. Attestato, ce dernier en France, en édition bilingue français-italien, traduit en français par lui-même.

Au milieu du gué. Attestato est un recueil sur le temps. Son titre annonce le passage d’une rive à l’autre, d’un monde à l’autre, celui de la vie même qui oblige au détachement de ses origines. Une suite de poèmes s’enchaînent sans titres telles les séquences de l’existence pour dire le passage de la civilisation paysanne à celle de la ville et nous faire réfléchir à ses changements. La voix nostalgique et ironique du poète, portant en soi de discrètes réminiscences biographiques, se rencontre avec d’autres voix dont celle d’un fils, symbole du monde postmoderne,  pour exprimer la différence entre les générations.

Les poèmes sont conçus sur la polyphonie des voix pour exprimer la dialectique des perspectives existencielles: la voix narrative-réflexive du moi lyrique auctorial et la voix de l’autre dans un dialogue du passé avec le présent.

Deux mondes, deux temps historiques racontent, se parlent, interrogent  l’évolution  de la société et l’avenir incertain, déroutant. Les voix se distinguent graphiquement par les caractères différents du discours poétique.

Le premier poème fixe le temps, le deuxième l’espace: la fête de Pâques par laquelle le poète retourne vers le lieu éloigné de ses origines où le temps s’écoule dans la matrice d’une existence traditionnelle. Le jeu des pronoms personnels, je, tu, il, entretient le dialogue des personnages dans un style familier. Par je on construit le destin d’un poète conscient de la discrépance  entre la vie et l’art, du paradoxe de son écriture: la vérité à communiquer et l’impuissance du mot poétique à le faire.

Dans les premiers poèmes le poète semble dialoguer avec soi même par le dédoublement de sa voix lyrique, un dialogue sur la vie et l’art, deux manières d’exister. Pour les gens tout se résume à sa matérialité. Le poète peint dans ses vers autant la proximité que son intériorité, son aspiration vers l’art, vers la révélation  du Logos créateur et sauveur pour justifier son existence poétique.

Son interlocuteur est l’autre, tour à tour le double rimbaldien du poète, la femme aimée, l’autrui. Tout le livre est un dialogue entre passé/ présent, une rémémorisation et à la fois une interrogation du temps historique. Cette séparation temporelle est visible dans l’architecture du livre, partagé en deux parties, chacune réunissant plusieurs poèmes, dévoilant les multiples visages de l’identité/ l’altérité du poète: géo-culturelle, linguistique, psychique, mentale, esthétique.

Le passé est le lieu de ses origines, l’enfance, l’identité héritée par sa famille, les traditions, les liens affectifs dans le cronotope historique du XX-e siècle. La ville est l’espace de sa jeunesse et de sa maturité avec ses expériences, liens, réussites, la nouvelle identité acquise dans le cronotope historique de la modernité et la postmodernité étendue sur le XXI-e siècle.

Dans la polyphonie des voix lyriques, la voix auctoriale du moi narratif se confronte avec d’autres qui viennent du passé (gardien des traditions paysannes) ou du présent urbain. Cette dualité temporelle introduit les motifs de l’identité/ l’altérité par l’opposition entre le village et la ville.

Le village est un espace fermé linguistiquement et culturellement : traditions, fêtes religieuses, travaux des champs, métiers, dialecte. La ville est celui du progrès, de la culture, des carrières, de la consommation en excès, des modes éphémères, des plaisirs, de la publicité, de l’agglomération, un espace dominé par la politique et les finances. La liberté, le confort, le consumérisme, la libération des mœurs, la fascination pour le monde virtuel conduisent à l’affaiblissement du pôle spirituel du monde et au renforcement de celui matériel, avec ses effets anéantissants et la perte de la foi dans un meilleur avenir.

Le poète découvre en ville un nouveau mode de vie, vicié par le pouvoir de l’argent, la satisfaction des plaisirs, l’internet qui règne et subjugue, ses multiples langages (économique, technique, politique, médiatique, artistique). La parole déformée par les gens devient masque pour le mensonge et l’art perd son rôle privilégié.

Sur la toile des deux mondes se peint l’image du poète qui se détache de ses origines pour suivre sa voie. Sa rupture n’est pas trahison, mais quête pour accomplir son destin. Il se retrouve exilé, marginalisé dans la cité qui s’éloigne de l’art. Mais il continue de chercher le mot authentique qui fait renaître, trouve une nouvelle esthétique exprimée dans Opera Comune à laquelle fait référence l’un de ses poèmes. Ses incursions dans le passé font revivre dans sa mémoire le souvenir des poètes avec qui il a créé une revue pour promouvoir la nouvelle poésie :  Riky, Marco, Simone, immortalisés dans ses poèmes.

Le narratif se rencontre avec la réflexion sur le passé ancré en traditions et sur le monde contemporain avec son culte des plaisirs. La voix auctoriale a de multiples rôles : elle raconte, réflechit, entretient le dialogue entre les générations représentées par l’opposition père-fils. La voix du fils peint le tableau du présent : carrière, liberté, vices, solitude, désorientation, incertitude, perte de l’espérance dans l’avenir; celle du père retourne dans son passé, rémémorise ses expériences douloureuses franchies par l’espérance retrouvée par Silvia et Federico, l’image même de la vie qui triomphe sur la mort ( Silvia après sa naissance difficile, Federico après un accident ). Leurs portraits très vifs sont emblématiques : la danseuse, symbole de l’art, et le sportif qui affronte son infirmité par le pouvoir de l’esprit.

Au milieu du gué est un recueil sur la différence entre la tradition, la modernité et la postmodernité, conçu sur le dialogisme de Mikhail Bakhtine, avec des références intertextuels mythologiques, historiques, littéraires et biographiques.

Le poète y met toute sa nostalgie des origines et de l’art authentique de même que la désillusion face à la postmodernité.

 

Sonia Elvireanu

 

Il poema narrativo polifonico: Giuliano Ladolfi, Au milieu du gué. Attestato, Edizioni Laborintus, 2021.

 

Giuliano Ladolfi è un poeta, critico, saggista, traduttore ed editore italiano contemporaneo, fondatore della rivista Atelier (1996), giornalista culturale per pubblicazioni italiane e straniere. Autore di diverse raccolte di poesia, ha altri due libri in uscita nel 2021, La notte oscura di Maria e Au milieu du gué. Attestato, quest’ultimo in Francia, in un’edizione bilingue francese-italiano, tradotta in francese da lui stesso.

Au milieu du gué. Attestato è una raccolta sul periodo storico. Il suo titolo annuncia il passaggio da una sponda all’altra, da un mondo all’altro, quello della vita stessa, che costringe a staccarsi dalle proprie origini. Una serie di poesie senza titolo si susseguono come sequenze di esistenza per descrivere il passaggio dalla civiltà contadina a quella della città e per farci riflettere sui suoi cambiamenti. La voce nostalgica e ironica del poeta, portatrice di discrete reminiscenze biografiche, incontra altre voci, tra cui quella di un figlio, simbolo del mondo postmoderno, per esprimere la differenza tra le generazioni.

Le poesie sono concepite sulla polifonia delle voci per esprimere la dialettica delle prospettive esistenziali: la voce narrativa-riflessiva dell’io lirico auctoriale e la voce dell’altro in un dialogo del passato con il presente.

Due mondi, due tempi storici si raccontano, si parlano, si interrogano sull’evoluzione della società e sul futuro incerto e confuso. Le voci si distinguono graficamente per i diversi caratteri del discorso poetico.

La prima poesia fissa il tempo, la seconda lo spazio: la festa di Pasqua attraverso la quale il poeta ritorna al luogo lontano delle sue origini dove il tempo scorre nella matrice di un’esistenza tradizionale. Il gioco dei pronomi personali, io, tu, lui, mantiene il dialogo dei personaggi in uno stile familiare. Attraverso l’io si costruisce il destino di un poeta cosciente della discrepanza tra vita e arte, del paradosso della sua scrittura: la verità da comunicare e l’impotenza della parola poetica a farlo.

Nelle prime poesie il poeta sembra essere in dialogo con se stesso attraverso lo sdoppiamento della sua voce lirica, un dialogo sulla vita e l’arte, due modi di esistere. Per il popolo, tutto si riduce alla sua materialità. Il poeta dipinge nei suoi versi tanto la vicinanza quanto la sua interiorità, la sua aspirazione all’arte, alla rivelazione del Logos creatore e salvatore per giustificare la sua esistenza poetica.

Il suo interlocutore è l’altro, a sua volta il doppio rimbaldiano del poeta, la donna amata, l’altro. Tutto il libro è un dialogo tra passato e presente, una reminiscenza e allo stesso tempo una messa in discussione del tempo storico. Questa separazione temporale è visibile nell’architettura del libro, che è diviso in due parti, ognuna delle quali riunisce diverse poesie, rivelando le molteplici facce dell’identità/alternità del poeta: geo-culturale, linguistica, psicologica, mentale, estetica.

Il passato è il luogo delle sue origini, dell’infanzia, dell’identità ereditata dalla sua famiglia, delle tradizioni, dei legami affettivi nel cronotopo storico del XX secolo. La città è lo spazio della sua giovinezza e della sua maturità con le sue esperienze, i suoi legami, i suoi successi, la nuova identità acquisita nel cronotopo storico della modernità e della postmodernità estesa al XXI secolo.

Nella polifonia di voci liriche, la voce auctoriale dell’io narrativo si confronta con altre provenienti dal passato (custode delle tradizioni contadine) o dal presente urbano. Questa dualità temporale introduce i motivi di identità/altro attraverso l’opposizione tra il villaggio e la città.

Il villaggio è uno spazio linguisticamente e culturalmente chiuso: tradizioni, feste religiose, lavoro nei campi, mestieri, dialetto. La città è uno spazio di progresso, cultura, carriere, consumo eccessivo, mode effimere, piaceri, pubblicità, agglomerazione, uno spazio dominato dalla politica e dalla finanza. La libertà, la comodità, il consumismo, la liberazione della morale, il fascino del mondo virtuale portano all’indebolimento del polo spirituale del mondo e al rafforzamento di quello materiale, con i suoi effetti devastanti e la perdita della fede in un futuro migliore.

Il poeta scopre un nuovo modo di vivere la città, viziata dal potere del denaro, dalla soddisfazione dei piaceri, da internet che regna e soggioga, dai suoi molteplici linguaggi (economico, tecnico, politico, mediatico, artistico). La parola distorta dalla gente diventa una maschera per la menzogna e l’arte perde il suo ruolo privilegiato.

Sulla tela dei due mondi è dipinta l’immagine del poeta che si stacca dalle sue origini per seguire il suo cammino. La sua rottura non è un tradimento, ma una ricerca per realizzare il suo destino. Si ritrova esiliato, emarginato nella città che si allontana dall’arte. Ma continua a cercare la parola autentica che porta la rinascita, trova una nuova estetica espressa nell’Opera Comune a cui si riferisce una delle sue poesie. Le sue incursioni nel passato fanno rivivere nella sua memoria il ricordo dei poeti con cui ha creato una rivista per promuovere la nuova poesia: Riky, Marco, Simone, immortalati nelle sue poesie.

La narrazione incontra la riflessione sul passato ancorato alle tradizioni e sul mondo contemporaneo con il suo culto dei piaceri. La voce autoriale ha molteplici ruoli: narra, riflette, mantiene il dialogo tra le generazioni rappresentate dall’opposizione padre-figlio. La voce del figlio dipinge il quadro del presente: carriera, libertà, vizi, solitudine, disorientamento, incertezza, perdita di speranza nel futuro; la voce del padre ritorna al suo passato, ricorda le sue esperienze dolorose superate dalla speranza riscoperta da Silvia e Federico, l’immagine stessa della vita che trionfa sulla morte (Silvia dopo la sua nascita difficile, Federico dopo un incidente). I loro ritratti vividi sono emblematici: la ballerina, simbolo dell’arte, e lo sportivo che affronta la sua infermità con la forza dello spirito.

Au milieu du gué è una raccolta sulla differenza tra tradizione, modernità e postmodernità, concepita sul dialogismo di Mikhail Bakhtin, con riferimenti intertestuali a mitologia, storia, letteratura e biografia.

Il poeta ci mette tutta la sua nostalgia delle origini e dell’arte autentica così come la sua disillusione per la postmodernità.

 

Sonia Elvireanu

 

Sonia Elvireanu è poetessa, romanziere, critico letterario, saggista, traduttore, membro dell’Unione degli Scrittori della Romania. Ha conseguito il dottorato in Filologia, è professoressa; membro del Centro di ricerca sull’immaginario e del Centro di ricerca filologica per il dialogo multiculturale dell’Università “1 dicembre 1918”, Alba Iulia; è membro della Federazione internazionale degli insegnanti francesi (FIPF), vicepresidente e coordinatore culturale dell’Associazione franco-rumena AMI.